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Douze heures vers Igoumenitsa

  • Photo du rédacteur: Szydywar-Callies Mathilde
    Szydywar-Callies Mathilde
  • 30 janv.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 févr.



1. 

Quitter la ville portuaire de Mestre 

celle qui regarde Venise

embarquer sur un ferry avec 

la tente dans un sac à dos

main sur la rambarde 

la lagune s’éloigne

elle est le dernier signe de terre 

voilé par la brume

ici les racines des arbres 

poussent dans le sol sableux

je me suis demandée 

quelle profondeur 

reste-t-il entre 

le fond d’un ferry et le fond du fond ? 

La finesse d’une lagune



2.

Sur le pont, les familles s’organisent

chacun cherche sa place pour la nuit

et sort son matériel 

matelas gonflables pour les plus équipés 

ou simple tapis de sol 

certains ont pensé aux oreillers

nous choisissons un espace

à côté de la rambarde pour la vue

y accrochons l’élastique de la tente 


Dormir sur une embarcation massive

dans une enveloppe fragile 

nous faisons partis 

des touristes sans cabines



3.

Le dernier éclat

sur la surface de l’eau

à l’heure de l’apéritif 

sortir le pastis et les cacahouètes

salées grillées à sec 

les familles prennent position pour la nuit

l’air est encore doux sur le pont 

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Un peu plus loin

j’observe le sommeil du Dieu chien

celui qui dort à côté 

de la déesse du bateau

elle s’est installée sur une natte 

elle a de long cheveux blond

comme de l’or blanc et un top en crochet


Le souffle du Dieu chien

est régulier, de temps en temps 

il lève le nez en l’air, comme si le vent

était en train de changer



4. 

Une heure plus tard

les arceaux tremblent,

la toile bleu de Prusse 

aux liserés carmin 

se ploie de tous les côtés

nous sommes allongés 

avec les cacahouètes 

grillées à sec et le pastis 

à l’intérieur de la tente sur le pont



5. 

Retenus dans un ferry 

poursuivis par les orages 

une nuit entière 

jusqu’au détroit de Corfou

c’est pas ta faute 

si c’est la tempête

la marée haute

dans ta tête 

ça tangue, tu t’en veux 

amarré comme tu peux



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6. 

À l’approche du port d’Igoumenitsa 

saisir la rambarde 

squelette en métal

chercher sur les lignes de la côte

l’endroit où passer la nuit 

installer l’abri portatif 

attendre le lever du jour



7. 

Le ciel noir absorbe

les touristes hollandais 

ils quittent le vaisseau 

vers leurs locations d’été

à la frontière

près de l’autoroute 

les jeunes albanais



8. 

Contourner les voies rapides` 

et les clans errants

jeter la tente

sur un morceau de terre

après le détroit de Corfou 

le tonnerre 

où vont aller 

les coulées de boue de l’orage 

les collines solidifiées 

la tente empaqueté 


Se réfugier sous le pont 

de l’autoroute 

une lumière jaune

regarder la pluie 

s’infiltrer


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9. 

Le jour se lève enfin

s’allonger sur une plage grecque

faire sécher la toile de la tente

nos corps étalés à plat 

sur les fins galets clairs

assoupis, la torpeur 

réchauffe au zénith 



10. 

Après les éclairs au petit matin

les cafés ouvrent 

nappe sur les tables 

et tamaris aux fleurs roses 

ils accueillent

une fine meute de chiens errants

les premiers ferry 

et les yeux noir de narval 

des jeunes albanais


Ceux qui attendent toutes les nuits 

près de l’échangeur 

qu’il se passe quelque chose

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11. 

Sur les autres plages de la côte

tout autour de l’île de Lefkada

les familles italiennes

se rafraichissent et 

jouent aux cartes 

épidermes assombris

presque noirs

ils font vivre la côte



12. 

Quand on se réveille

nos yeux s’ouvrent sur un petit pêcheur 

un vieux monsieur en costume

assis sur un tabouret


Un geste en boucle 

il fait le tourniquet avec ses doigts 

en regardant le lointain 

il lance le fil en l'air

 et le rembobine 

avec ses deux index

ils tournent très vite 

pendant plusieurs secondes


Une transparence qu’il fait remonter 

une adresse à des poissons du grand large qui viendront peut-être 



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